« Pour nous la Nuit Verte c’est aussi la Nuit des Océans »

COP 23. Entretien réalisé par Serge Marie Aubry.

© La NUIT VERTE TV2017 COP23 BONN

Interview de Monsieur Heremoana Maamaatuaiahutapu,
Ministre Polynésien de l'environnement, de la promotion des langues et de la culture.

COP 23. Entretien réalisé par Serge Marie Aubry

© La NUIT VERTE TV2017 COP23 BONN

Ce que m’évoque La Nuit Verte. En Polynésien nous dirions te aru imona parce que dans les temps anciens, la couleur verte et la couleur bleue étaient désignées par le même terme : Moana. C’était aussi bien la couleur bleue que la couleur verte…. Parce que c’est la couleur de l’océan.
 
Moana c’est l’océan. Et dans l’océan il y a toutes ces gammes qui vont du bleu profond au bleu clair et jusqu’au vert.
 
Donc les polynésiens n’avaient pas distingué par deux mots différents ou par plusieurs mots les différentes nuances de couleurs de l’océan. Pour nous la Nuit Verte c’est aussi la Nuit des Océans.
Petite histoire à mettre dans les tablettes… Pour nous, danser c’est aussi lié à nos traditions, on avait un grand chef de guerre et quand les premiers européens sont arrivés ils ont apporté le progrès mais ils ont aussi apporté des maladies nouvelles et donc les populations mourraient et il n’y avait pas d’explications et un jour ce grand chef de guerre dit : « Mais si nous mourons, c’est peut-être parce que nous avons oublié de danser.
 
Peut-être que la seule arme pour combattre ça, c’est de danser. Il faut danser pour, heu, je ne sais pas comment traduire ça exactement, pour combattre et survivre. Donc c’est ce qu’on a fait le 29, on a dansé à nouveau pour faire entendre la voix de la Polynésie et puis ça a été un moment très fort. Très très fort.
« Mais si nous mourons, c’est peut-être parce que nous avons oublié de danser »
On n’attend pas que les grands de ce monde prennent des grandes décisions, nous on fait ce que l’on a à faire.
 
Vous savez quand en France l’ambition est d’arriver à 20 % de production électrique verte, nous, nous sommes déjà à 30 % et notre ambition en 2020 c’est 50 % d’énergie verte. Et en 2030 c’est 70 %.
 
Nous n’avons pas attendu que la France ou l’Europe décide de classer 20 % de leur océan en aire marine protégée, nous n’avons pas attendu qu’ils décident de se fixer comme objectif 20 % d’énergie verte, nous on l’a, on l’a fait déjà. Et nous voulons être des territoires presque exemplaires. Ce sont des choses que l’on a mis en place,
Et, petite anecdote, pendant que les 28 et le 29 novembre partout dans le monde les populations de différents pays ont décidé de marcher pour la planète, eh bien chez nous on a décidé de danser pour la planète, de chanter pour la planète.
 
Donc 2000 personnes se sont regroupées dans un jardin public en Polynésie et ont dansé sur un chant qui parle justement de la Polynésie et de la protection de nos Iles, de nos océans, et ce qui est intéressant d’ailleurs c’est que l’on a fait un tutoriel pour que ceux qui souhaitaient pardon venir à cette journée apprennent la chorégraphie.
 
Eh bien nous avons été surpris de voir que au Japon, aux États Unis, au Mexique et même en France des gens ont appris la chorégraphie, se sont filmés, et nous ont envoyé leur contribution. J’ai trouvé ça super par rapport à nous qui sommes 270 000 habitants,, de voir que cette façon de faire était partagée dans beaucoup de pays dans le monde.
Nous allons avoir des zones exclusives où aucune pêche ne sera permise, elles existent déjà, les zones côtières seule la pêche traditionnelle sera autorisée et au delà nous allons gérer aussi les captures, ce que nous faisons déjà puisque nous ne prélevons que 10 % de ce que nous pourrions prélever sur les espèces migratrices.
 
Le problème il se passe à l’extérieur de notre zone économique, ce sont ces grandes flottes de pêche qui profitent de ces zones de non droit que sont les zones internationales pour piller le Pacifique après avoir pillé la Méditerranée et l’Atlantique.
Dernièrement les scientifiques ont démontré que sur 1 KM2 de zone récifales la diversité biologique de 1 KM2 en zone récifales est supérieure à l’ensemble de la diversité biologique de la France. 1 KM2 ! Donc on est content d’avoir fait ça mais on continue.
 
Nous avons plusieurs projets d’aires marines protégées et l’ambition à terme est d’arriver à faire de l’ensemble de notre zone économique, les 5,5 millions de KM2 c’est à dire l’Europe, une aire marine gérée, un peu à l’image des poupées russes.
En 2002 nous avons créé le plus grand sanctuaire des mammifères marins au monde pour les baleines, les tortues, les raies Manta, etc etc. Et en 2012 nous avons étendu ce sanctuaire pour les requins.
 
73 millions de requins sont tués chaque année dans le monde. Chez nous les requins font partie de notre univers. Quand on rentre dans la mer, on rentre dans leur monde, ce n’est pas le notre.
 
Et puis pour beaucoup de familles dans le Pacifique, ces animaux, que ce soient les baleines, les raies Manta, que ce soient les requins, ce sont aussi des animaux déifiés. Ce sont nos ancêtres. Par exemple, dans ma famille, un de mes ancêtres s’est incarné en requin.
 
Et on retrouve ça quasiment dans toutes les populations polynésiennes même au-delà. Il y a les animaux Totem en Mélanésie et on est le seul endroit au monde où l’on peut plonger au milieu des requins, on n’a pas besoin de les chercher, ils vivent dans les passes, dans des atolls comme Rangiroa et Fakarava, ça devient même aujourd’hui une attraction touristique.
 
Et on parle même de murs de requins, au milieu des murs de poissons que l’on peut avoir dans ces passes, dans ces chenaux, et bien il y a aussi des requins parce qu’ils sont chez eux.
Pour l’enseignement des langues, j’ai participé à un congrès sur la diversité culturelle et le numérique. Et j’ai présenté notre vision des choses. Comment finalement nous pourrions utiliser le numérique et faire que les grands pères et grands mères et arrière grands parents qui racontaient nos traditions, qui nous apprenaient nos langues autour d’une lampe à pétrole ou autour d’un feu se retrouvent dans le numérique. Et que la tablette ou le téléphone puissent devenir ce que les anglophones appellent les story tailors, les raconteurs d’histoires.
 
C’est compliqué, ce n’est pas simple, mais il y a certainement quelque chose à trouver. Encore une fois il faut surfer sur la vague du numérique et trouver les moyens d’apporter des contenus qui vont intéresser nos enfants. On ne peut pas les empêcher, aujourd’hui, on ne peut pas les priver de leurs tablettes, alors utilisons les tablettes pour parler à nouveau de nous.
 
Ce qui est important chez nous c’est que nous savons déjà quelles peuvent être les conséquences du réchauffement climatique. Mais on n'a pas attendu.
 
Nous sommes quand même des peuples issus de grands navigateurs mais nous sommes aussi des guerriers. On se bat, on n'a pas attendu que l’on vienne nous expliquer.
 
Lorsque l’on nous parle d’aires marines protégées, nous en 1973 nous avons déjà commencer à classer certaines de nos iles, de nos atolls en réserves intégrales.
 
En 1977, nous avons commencé à lancer aussi un projet de classement en biosphère de sept atolls. On est aujourd’hui une des réserves Man and Biosphère de l’UNESCO sur 7 atolls avec 30 000 KM2 qui sont aujourd’hui classés, labellisés en réserve biosphère.
Peut-être que si le loup a disparu c’est parce qu’il n’y avait plus l’homme, l’aborigène de Tasmanie, pour parler du loup de Tasmanie. Quand le loup de Tasmanie a disparu, c’est vrai ce fut une catastrophe écologique, mais lorsque le dernier aborigène de Tasmanie a disparu, c’est tout l’imaginaire qu’il y a autour de cet animal qui a disparu avec lui. Il n’y avait plus personne pour parler de cet animal mythique, des légendes qu’il transportait avec lui, du vécu qu’il y avait autour de cet animal.
 
Il ne faut pas oublier l’homme. Quand on parle de sauver la planète, la planète va nous survivre, ça c’est clair, par contre nous on va peut-être disparaître. Il ne faut pas non plus se tromper de combat.
 
Vous savez, une pirogue, elle surfe sur les vagues, elle n’affronte pas la vague, contrairement à un navire qui est lesté lourdement. C’est aussi un concept de la vie. Il faut que l’on réapprenne à surfer sur les vagues.
 
Le numérique peut être un danger mais aussi un atout à condition d’y mettre des contenus. Aujourd’hui nos enfants sont plus attirés par leur tablette que par leur grand père. Mais si dans la tablette on met le grand père qui raconte des histoires, il peut redevenir le conteur, il peut reprendre la place qu’il occupait dans la famille. C’est un peu l’image.
 
Donc nous sommes confrontés à un problème, concernant les langues polynésiennes, parce que ce sont les grands parents qui transmettent les savoirs traditionnels. Mais aujourd’hui la cellule polynésienne a un peu volé en éclat…
 
Mais on se dit qu’il ne faut pas que l’on jette la tablette, que l’on se prive de cela parce que nos enfants finalement vont être en guerre contre nous. Aujourd’hui c’est leur monde, donc il faut trouver juste le chemin pour entrer dans leur monde.
Je vais prendre l’exemple de la Polynésie française, c’est 5,5 millions de KM2, c’est aussi grand que l’Europe, mais sur toute cette superficie, il n‘y a que 1 % de terres émergées.
 
Nous sommes un peuple de la racine parce que nos terres sont tellement petites que l’on est obligé de s’y accrocher, obligé d’avoir des racines très profondes. Et nous sommes aussi un peuple de la mer parce que lorsqu’on regarde autour de nous il n’y a que l’horizon. Et cet horizon n’est que l’étendue océanique.
 
On n’a pas d’autre choix que d’être à la fois bien accrochés à notre petit bout de terre et d’avoir forcément le regard porté sur l’océan. C’est ce qui explique aussi en grande partie pourquoi les Polynésiens ont toujours voulu aller voir au delà de l’horizon car c’est finalement le seul terrain d’aventure et de jeu qu’ils avaient devant les yeux une fois qu’ils avaient fait le tour de l’ile sur laquelle ils habitent.
 
On est obligé de faire comprendre à la terre entière que protéger la terre c’est bien, mais protéger la mer c’est aussi important.
 
Et puis derrière il faut protéger l’homme.
 
Je suis toujours surpris lorsqu’on entend encore aujourd’hui parler de la disparition du dernier loup de Tasmanie. Mais personne ne parle de la disparition du dernier aborigène de Tasmanie.
De toute façon nous allons continuer à nous battre pour faire entendre notre voix. Pour l’instant, même si l’accord n’est pas à 1,5 degré, nous pensons, comme bon nombre de scientifiques, que les océans sont les grands oubliés de la COP 21.
 
Notre action aujourd’hui est de dire : si les forêts sont un des poumons qui permet à la terre de respirer, l’autre poumon, ce sont les océans. Les océans ont un rôle aussi voire plus important que les forêts.
 
Mais ça il nous faut le marteler ! Et nous commençons à gagner cette bataille puisque hier déjà Madame Ségolène Royal a annoncé que les océans allaient être le sujet que France souhaite porter pour la COP 22. Cela a été aussi confirmé par Madame Annick Girardin Secrétaire d’État en charge de la Francophonie qui elle-même vient d’une Ile, Saint Pierre et Miquelon qui eux aussi sont confrontés directement.
 
Ce que l’on a fait maintenant depuis quelques années commence à être entendu. Cette petite voix dans l’Océan Pacifique commence à devenir un bruit un peu assourdissant.
 
Lors du Sommet France Océanie, c’est aussi ce message que nous avons porté auprès du Président de la République. Ne nous oubliez pas parce que nous sommes considérés comme des petits territoires d’outre mer. N’oubliez pas que nous sommes avant tout de grands océans, de grands pays océaniques.
« Là encore, les cousins du Pacifique, que ce soit les Iles Cook, les Tuvalu, les Tonga, les Samoa, se battent contre les grands pays de ce monde pendant les négociations pour arriver à un accord à 1,5 degré »
C’est partout pareil dans le Pacifique, c’est pour cela que pour nous il faut que tout de suite il y ait un accord contraignant. Il va engager notre avenir, en tout cas celui de nos enfants.
 
Là encore, les cousins du Pacifique, que ce soit les Iles Cook, les Tuvalu, les Tonga, les Samoa, se battent contre les grands pays de ce monde pendant les négociations pour arriver à un accord à 1,5 degré.
 
Et puis on se rend compte finalement que le Président des Iles Cook, où il y a 1000 fois moins d’habitants qu’en Arabie Saoudite, sa voix compte autant que celle de l’Arabie Saoudite et ça c’est important.
 
C’est important que nous puissions nous faire entendre, nous avons essayé par tous les moyens de le faire, nous avons rencontré le Président Hollande avec tous les représentants des pays du Pacifique qui se sont déplacés à Paris en amont de la COP 21 pour que nous puissions exposer nos problématiques et puis les pays anglophones du Pacifique ont eux aussi rencontré sous l’Égide du Commonwealth la Grande Bretagne pour leur soumettre également cette problématique afin d’avoir aussi le soutien de nos puissances colonisatrices dans ce combat.
 
Tout seuls, même regroupés on est petits. Je dis souvent que ce n’est pas parce que l’on est petit qu’il faut se taire, bien au contraire, mais il faut profiter et trouver d’autres réseaux pour que ce ne soit pas que les grands de ce monde qui décident de notre avenir.
 
Parce que encore une fois, pendant que eux discutent, nous, nous sommes déjà confrontés à ces problèmes.
Nous avons par exemple quelques atolls… Vous savez la Polynésie française c’est 118 îles et 84 atolls. Un atoll ce n’est pas très haut, c’est 1,50 m à 2 m de hauteur. Donc quand on parle de la montée des eaux, de l’acidification des océans, dans le Pacifique ce n’est pas dans 20 ans que l’on doit s’en préoccuper, c’est maintenant. Nous avons déjà des atolls qui voient leur cocoteraie mourir parce que la nappe phréatique commence à être de plus en plus infiltrée par l’eau salée.
 
Et nous avons un problème derrière qui est social et économique. Parce que ces populations vivent du coprah. Donc se pose la question de leur avenir. Faut-il qu’ils restent sur ces atolls, faut-il que l’on les déménage ? Quelle activité de substitution peut-on leur proposer ? Pour le moment pas grand chose…
 
L’acidification nous savons que cela va être un problème. De temps en temps, lorsque les températures augmentent, on voit les coraux blanchir, ce n’est pas une vue de l’esprit, ce ne sont pas des projections scientifiques, c’est notre réalité.
 
Quand on voit l’explosion de la ciguatéra, cette intoxication par une micro algue de nos poissons, ça veut dire que demain nous ne pourrons même plus consommer notre poisson.
Dans le Pacifique, nous nous sommes réunis plusieurs fois pour préparer la COP 21. Et nous souhaiterions que cet accord soit à 1 degré.
 
Mais lors des réunions du Sommet France Océanique qui a eu lieu en amont de la COP 21 nous avons proposé 1,5 degré pour être un peu plus raisonnable par rapport à ce que souhaitait proposer la France c’est à dire 2 degrés.
 
Pour nous ce n’est pas un combat sur 30 ans, c’est un combat qui est aujourd’hui notre réalité.
 
Quand on parle des conséquences du réchauffement climatique, chez nous ce n’est pas dans 30 ans que les problèmes vont se poser, nous y sommes déjà !
Il y a du bon sens dans la tradition, il y a du vécu. Chez nous on ne peut pas faire fi de cela. Nous sommes obligé de faire avec parce que l’on a toujours vécu avec ça, même si ça se perd de plus en plus avec les nouvelles technologies, internet.
 
On parle beaucoup de tsunami dans le Pacifique mais il y a aussi ce tsunami de l’information dont on parle peu. C’est important de travailler en accord avec les populations locales.
Interview de Monsieur Heremoana Maamaatuaiahutapu, Ministre Polynésien de l‘environnement, de la promotion des langues et de la culture. Entretien réalisé par Serge Marie Aubry. La NUIT VERTE TV2017 COP23 BONN
Science et tradition unis pour la protection de notre environnement.
 
Pour nous la protection de notre environnement passe bien sûr par des études scientifiques, par toute une série d’analyses. Mais il ne faut pas oublier que depuis quatre mille ans les polynésiens sont partis du Sud Est asiatique pour conquérir près de la moitié de l’Océan Pacifique.
 
Durant quatre mille ans ils ont éprouvé des solutions qui leur ont permis de s’adapter à des milieux aussi diamétralement opposés qu’un atoll tuamotu, qui est un désert ensoleillé où il n’y a pas d’eau et où il y a des chaleurs extrêmes, donc à la fois un milieu très hostile, ou un autre milieu qui est celui de la Nouvelle Zélande avec un climat tempéré.
 
Nous pensons que la tradition peut nous apporter des solutions qui sont même parfois  corroborées par les scientifiques. Plutôt que d’opposer la science et les scientifiques à nos anciens, nous essayons de faire en sorte qu’ils se rejoignent dans les solutions que nous pouvons apporter.
Nous avons créé un concept complètement nouveau dans une ile des Marquises qui s’appelle Tau Ata. Nos enfants se sont préoccupés de notre avenir, ils ont dit qu’ils voulaient gérer leur terre et leur océan qui nous entoure, qui est devant chez nous.
 
Et ils se sont d’abord rapproché des anciens, ils leur ont posé des questions, ont fait du recueil de traditions, tout un travail ethnographique pour connaître le nom des rochers, des récifs, les zones où l’on pêche les poissons, tels crustacés, les périodes, tel type de pêche plutôt qu’une autre. Et il y a eu également une série d’études scientifiques qui a été faite et qui vient presque en calque sur le recueil des traditions.
 
On le remarque dans d’autres projets. Nous avons par exemple une réserve MAB (Man and Biosphère) sur sept atolls à Fakarava et nous avons redéfini les zones auxquelles aucune pêche n’est possible, où aucune activité n’est permise, des zones tampons et des zones où la vie économique, sociale, culturelle, la vie de tous les jours en quelque sorte, peut se faire.
 
Lorsque les scientifiques ont commencé à faire ce découpage, il y avait parfois des zones de friction, tous les gens n’étaient pas forcément d’accord… Et bien ce sont les Anciens qui ont dit « il ne faut surtout pas aller pêcher là, parce que là on n’a jamais pêché dans cette zone, jamais ». Et à la suite les scientifiques ont démontré que c’étaient des lieux de reproduction de certaines espèces de poisson.